Le Russe, épisode 2

Quelques jours plus tard, après de nombreux échanges de SMS, photos, et coups de fil nocturnes, le Russe monte dans un train et je file le récupérer dans une gare. 

On pourrait admettre qu’on sait très bien pourquoi on est réuni là et passer tout de suite aux choses sérieuses. Mais non. On choisit d’un commun accord, quoique tacitement établi, de jouer les cons et de faire comme si de rien n’était. Évidemment, on est chauds bouillants, l’attente a bien cristallisé le machin et on est prêt à s’envoyer en l’air et à tomber amoureux dans la foulée. 

Ouais, carrément. Aux grands maux les grands remèdes, paraît-il, et nous sommes tous les deux du genre à prétendre. Lui, qu’il faut absolument des sentiments, un truc spécial du cœur, pour que notre attirance chimique ait l’autorisation de s’épanouir. Moi, que j’ai tourné la page, que le Grand Méchant Ex, c’est du passé, et qu’il ne reste rien de cette sombre et lumineuse histoire comme les autres. 

Par-dessus le marché, ça fait un moment que j’ai compris que même pour un truc léger et sans avenir, j’ai absolument besoin d’une complicité intellectuelle.  Ma libido est logée dans mon cerveau, comme toi, mais aussi sur tes étagères, et c’est là que ça devient un peu moins banal. Un mec qui ne lit pas ne m’excite pas : pas de bouquins, pas de plaisirs coquins. Souvent, ça me complique un tout petit peu la vie, puisque mes histoires de fesses sont au moins des amitiés, et que si on est ami et que le sexe est très bon, la question de l’amour se faufile rapidement. 

En l’occurrence, le sexe est très bon quoique sans fin, le Russe sait lire et, pompon sur le gland, il croit en Dieu.