Les mains douces

Il m’a dit : « Si j’étais une femme, je voudrais être comme toi. »

 

Je ne sais pas quoi vous dire de plus.

C’est le plus beau compliment qu’un homme m’ait jamais fait. Je me suis chaleureusement félicitée de l’avoir ramené dans mon lit la veille, celui-là. Je lui avais proposé l’hospitalité, il était loin de chez lui. Il m’avait répondu : « je ne voudrais pas te décevoir, j’ai aucune libido depuis quelques mois. » J’avais ri. Ok, on met carte sur table comme ça, on la joue franco ! Je veux bien dormir avec toi même si tu ne me fais pas l’amour. J’aime bien tes yeux et ce serait dommage que tu te niques le dos à dormir dans ta voiture alors que j’ai un lit king size à disposition.

On était épuisé par une infiniment longue journée de travail et une soirée de fête, on a dormi. Jusqu’au petit matin, où j’ai senti un pied venir faire connaissance avec les miens. Tiens, tiens… Après deux heures de caresses, petits bisous et câlins dans un demi sommeil cotonneux, on a rempli la pièce d’ondes langoureuses et il n’est plus question de différer l’accouplement. « T’as des capotes toi ?  – Commençons par une déjà, mais non… – Moi non plus ! »

La folie ou la colère me guette, je ne sais pas bien. J’ai rarement eu un truc aussi fébrile dans le corps : « Là maintenant tout de suite (pitié) ». Mais je ne cèderai pas, je me suis fait peur assez de fois et je suis maintenant assez adulte, quand même, pour m’éviter ces ennuis. Il finit par aller vérifier dans sa veste, et ô joie, ô bonheur, je peux finalement l’accueillir en toute sécurité. Je suis sur lui, et c’est bon… Pas qu’il me remplisse vraiment mais il y a une alchimie spéciale, vraiment efficace… Et on jouit en même temps, ce qui est quand même assez exceptionnel pour une première rencontre pour être écrit noir sur blanc ici.

Mais en fait, le plus marquant pour moi dans cette jolie petite histoire, c’est le naturel. J’ai rarement eu si peu d’arrières-pensées en abordant un homme. Même avec un femme apparemment rivale dans les parages la veille au soir, pour une fois je ne me laisse pas démonter, je viens, je reste, je souris… Et je ramène le gibier au lit. C’est peut-être ça qui est vraiment chouette à 30 ans et des brouettes : je sais ce que je désire, je me fous de ce qu’on pourrait en dire, et je jouis.

Le lendemain, il a dit aussi : « t’es pas le genre qui n’obtient pas ce qu’elle veut. »

Espérons. Mais la vraie question demeure… Qu’est-ce que je veux vraiment ?

haleine et dialogues

À cette époque, je vivais une aventure relativement platonique avec un type qui a une haleine épouvantable (d’où la platonicité d’ailleurs). Vous avez déjà réussi, vous, à dire à quelqu’un que son haleine, là, c’est pas possible, même lui parler c’est parfois compliqué ?
J’ai réussi à lui demander s’il consultait régulièrement son dentiste, parce que c’est important de surveiller qu’on n’a pas de carie, et j’étais déjà hyper fière de moi. Résultat : nada. Et je n’ai jamais trouvé le courage d’aller plus loin.
Dans tous les sens du terme.

Il y a quelques mois, quand je rencontre l’Homme Marié, je découvre un autre pouvoir de l’haleine, beaucoup moins répulsif.

Au début, nous sommes d’éphémères collègues de bureau, blagueurs et de bonne humeur, bien partis pour être bons copains. J’ai faim, et je crois que ce trouble léger qui est le mien, qui me chatouille le ventre, n’est que la conséquence de 4 mois d’abstinence, OUI VOUS M’AVEZ BIEN LUE. Mon record en 18 ans de vie sexuelle. Aucun rapport avec lui, j’y prête donc le moins d’attention possible.

Le déjeuner au self offre toujours l’occasion de faire plus ample connaissance dans des circonstances, somme toute, peu réjouissantes ni sensuelles. Mon autre petit collègue provisoire, mon cadet, qui me reluque passionnément depuis le matin, commence à questionner le beau quadra.

–  Alors comme ça, tu es papa…

–  Oui, blablabla.

–  Et tu es toujours en couple avec sa mère ou vous êtes séparés ?

Vous imaginez bien avec quelle attention toute particulière j’écoute sa réponse…

–  Ça fait maintenant 19 ans qu’on est ensemble avec sa mère ! Alors je peux vous le dire, à vous les jeunes : les vrais rebelles, c’est les hommes fidèles !

 

 

Y a comme un truc qui s’effondre en silence en moi. Très bien. Bon bon.

Je me tourne vers le minot : « Alors comme ça, t’es Breton ? »
C’est fou comme un homme fidèle à sa femme peut te recentrer sur tes priorités : où est le mâle mignon et disponible le plus proche ?
Néanmoins je suis forcée de reconnaître que j’étais réellement troublée. Un homme fidèle, en plus, vraiment… Ça fait un peu rêver !

Un peu plus tard, de retour au bureau, il se penche par-dessus mon épaule pour me montrer quelque chose sur mon écran. Son visage est tout près du mien. Son corps touche mon corps. Quand il me parle, je sens l’odeur douce et un peu écoeurante du café flotter jusqu’à mes narines.

J’aime pas le café. Mais là. J’ai. Tellement. Tellement ! envie d’un café.

 

 

La journée est finie. Il fume une cigarette avant de quitter les lieux. J’aurais juré qu’il m’attendait. On marche un peu, on papote et rigole comme on ne cesse de le faire depuis le matin et notre rencontre. Cette odeur de fumée… Moi qui évite les fumeurs depuis quelques années, parce que depuis que j’ai arrêté ça ne m’attire plus du tout…

Oh je fumerais volontiers sur sa blonde là, ou alors… Une petite pipe peut-être ?